Éloge de l'insoumission

De Paul Gonze
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L'oiseau qui a été couvé dans un cage

pense que voler est une maladie.

Prétention du soumis = être obéissant, discipliné, apprivoisé, téléprogrammable; Pétri dans le respect de façade pour ses parents et petits-chefs; Tendre et doux et gentil mouton de Panurge dégoulinant de merci envers qui le tond ; Rouage standardisé ronronnant, ronflotant de la société de consommation et du spectacle ; Chair à canon saucissonnée pour la défense de la papatrie et de son despote bien-aimé; Adepte docile, consensuel de la normalité-banalité ; Chantre prosélyte de la loi du plus grand nombre et de ses réglementations; Trop content que d’aucuns financent sa subsistance, assurent  sa sécurité, planifient ses loisirs ; Apeuré par l'inhabituel, l'insolite, l'extraordinaire, Pas peu fier de son cerveau lavable et demain lobotomisé.

Idéal de l’insoumis = vivre libre, désobéissant, indiscipliné, sauvage, rebelle,... révolutionnaire ; Anarchiste n’ayant ni dieux, ni maîtres1 ; Critique joyeux ou furieux des arbitraires et des pontifes qui en policent les interdits; S’affirmant en tant qu’individu unique et irremplaçable, voire incontrôlable ; Se voulant autonome, seul responsable de ses actes et de ses engagements ; Conscient de sa marginalité et de sa fonction d’anticorps dynamisant l’indispensable évolution de la société ; Solitaire mais solidaire explorateur des no-man’s-land, par-delà les frontières, au-delà de l’horizon; Avide d’aventures, passionné d’imprévus, s’enivrant d’inconnu, d’infini ! Libre... dans le respect des autres et la jouissance de collaborer à l’avènement de l’Utopie Universelle.

Inquiétude: Comment vivre insoumis si, ainsi que l’affirme Rimbaud, « Je est un(e) autre » ou, plus précisément, s’il est vrai2 que « Je suis les autres », que mon Moi n’est rien - tout comme le vôtre - que le foyer de résonance de tout ce que vous et moi recevons par le biais ou plutôt grâce à autrui, parents et amis qui nous ont aimés et éveillés, peintres et poètes dont les œuvres se réincarnent en nous, inconnus et étrangers dont les visages palpitent dans nos neurones et nos réflexes, ennemis même à rejoindre, confondre dans l’éloge de la différence ? En sélectionnant les facteurs susceptibles de nous façonner, en choisissant nos guides sans craindre de les contredire et de relativiser leurs points de vue, en exaltant les références dont nous ferons notre idéal,... en nous révélant, à nous-mêmes et aux autres, dans la plénitude de notre humanité, universalité. 

Précision : la création (scientifique, artistique, amoureuse) est le lieu d’expression, le terrain de jeu par excellence de l’insoumission en ce sens qu’elle est expérience individuelle, solitaire, originale, source de « jamais vu », « éprouvé pour la première fois », nous ouvrant à de plus larges, aussi inquiétants qu’exaltants horizons : le ravissement esthétique, l’orgasme amoureux, l’extase cosmique: expériences exacerbant le sentiment de notre individualité en harmonie avec l’Autre 3.

Quelques dilemmes:

- Toute personne est soumise ET insoumise, à des degrés divers. Un soumis peut se sacrifier pour le bien d'autrui avec l'abnégation d'une lionne défendant ses lionceaux. Tout comme un insoumis peut ramper aux pieds de son ou sa bien-aimée.e et, pour un sourire, compromettre ses complices. Cela peut même arriver à des sous-metteurs.

- L'humanité est composée pour plus de 90% de soumis, moins de 10 % d'insoumis et de quelques PPM (part par millions) de sous-metteurs.

- Un sous-metteur est un insoumis de "première catégorie", ayant intérêt à multiplier ceux qu'il met sous sa protection, dans son ombre ou sa botte.. Disposant d'assez de ressources que pour rémunérer ou soudoyer gendarmes et premiers ministres aptes à promouvoir ses intérêts, prétendant aussi que c'est pour le bien du plus grand nombre, oubliant que toute utopie est promesse de goulag.

- Il y a toujours eu et il y aura toujours des sous-metteurs et des soumis, des maîtres et des esclaves... et parfois un Spartacus qui sera tué au combat tandis que ses complices seront crucifiés.

- Les insoumis ont généralement un sentiment exacerbé de leur personnalité, les poussant à se comporter en individualistes. Fédérer des insoumis dans la promotion d'un projet commun peut-il être plus qu'une éphémère illusion?.

- Le docile se distingue-t-il du soumis aussi fièrement que le vassal de l'esclave? Le docile n'est-il pas un hypocrite qui croit que c'est par politesse, par art de vivre qu'il obéit, accepte avec le sourire d'être cadré, respecter les limitations de vitesse et le port du masque? L'insoumis sait que la liberté s'affirme ailleurs... 

Quel est l'objectif:

a) Transformer les soumis en insoumis ou plutôt augmenter leur degré d'insoumission (pour faire leur bon/mal/heur)... et puis? Est-ce raisonnablement envisageable? Dans le respect de la liberté de chacun (Si un idiot ou un sage préfère dormir - ou rêver - dans un monde absurde, qui le lui déconseillerait ou le lui interdirait, et de quel droit?):

b) Transfomer les insoumis en soumis - ou les neutraliser, les protéger de leurs excès eb les accueillant dans des asiles d'aliénés, des camps de redressement ou des clubs de loisirs - pour la tranquilitté et la sérénité de presque tous et en particulier des sous-metteurs: pas impossible ;-)!

c) Eliminer les soumetteurs pour prendre le pouvoir, c'est-à-dire leurs places, sous prétexte d'être animé de bien meilleures intentions: envisageable?

Il est étonnant que la tentation de se croiser les bras et de se taire
ne soit pas plus populaire.

Marcel Mariën

 

1 - Ni mètre cinquante

2 - Á moitié vrai dans la mesure où j’influence aussi les autres : boucles jouissives de rétroaction!

3 - Donc loin de tout anthropomorphisme : avec les aigles et les vipères, les lions et les églantines, les chênes et  les pieuvres...

 

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