Le billet doux du week-end de l'Assomption
Ou comment Titine, Marquise du Vismet, a vu la Lumière
Il est des artistes dont les œuvres se manifestent dans une freubellienne évidence, une fulgurante immédiateté, tels le renversement d'un urinoir, l'imperceptible tracé d'un carré blanc sur fond blanc, la répétition à l'envi de bandes bicolores d'une uniforme largeur, des éclaboussures exaltées ou des écrabouillages enfiévrés... D'autres sont des tâcherons "se hâtant lentement et qui, sans perdre courage, remettent vingt fois sur le métier leur ouvrage, le polissant sans cesse et le repolissant, ajoutant quelquefois et souvent effaçant"... une nature morte, une cathédrale, deux poires et une pomme. De plus naïfs se demandent si les délires qu'ils rêvent ont plus de pertinence que les borborygmes de la Pythie: s'écoulant sans plus de contraintes que de contrôles, leur arrivant de révéler parfois à autrui ce qu'ils ignorent eux-mêmes...
Est-ce dans cette soumission aux improbables coïncidences, aux aléatoires réminiscences, aux inattendues correspondances, à cette acceptation de se reconnaitre assez transparent, absent que pour laisser les choses advenir par elles-mêmes, qu'un artéfact peut se révéler fruit du hasard et de la nécessité? Est-ce ainsi que naquit, après bien d'autres kinedurekunmomans, à l'aube de la Fête de l'Assomption 2019, Titine, Vicomtesse des Édens, Marquise du Vismet ? Je n'oserais le prétendre mais ...
A l'origine, il y a une vingtaine d'années, il n'y avait plus depuis longtemps d'esprit de dieu planant sur les eaux et les terres mais une vieille poupée rose, égarée dans mon foutoir sans que je puisse me rappeler pour quelle faute elle était condamnée à s'y empoussiérer. Peut-être parce qu'elle m'avait-elle été offerte dans le cadre de la sublimation avortée de la capitale du pays noir en Charlerose. Peut-être ...
De temps en temps, il m'arrivait encore de la tripoter, me demandant chaque fois quand je me déciderais à la jeter aux encombrants puis me résignant à lui accorder encore un sursis: peut-être parviendrait-elle, malgré son sourire pincé d'adolescente souffrant de leucémie, à séduire ma petite fille.
Puis, lors d'une excursion à Ostende, en 2015 si j'ai bonne mémoire, je récoltai au bout du bout de l'estran, quelques coquilles d'huitres si magiquement déformées et contournées que je me persuadai qu'elles méritaient une place parmi toutes les inutilités de ma remise... Et tilt : voici qu'en associant trois de ces creuses à trois fausses perles et à trois bouts de plumes, je te me confectionne un mini-méga chapeau belle époque apte à conférer à ma pensionnaire le port d'une marquise.
Mais toute huitre ne s'embellit-elle pas d'être confrontée à des moules comme toute diaphane aristocrate face à de ténébreuses roturières? Donc marquise je veux bien à condition qu'elle trône au sommet d'un monticule de moules de Zélande (celles dégustées l'an dernier dans le restaurant "Bij den Boer", "Chez le Paysan") ce qui m'autoriserait, n'étant pas même écuyer de toutes les terres inondées à marée haute, à la titrer du Vismet, c'est-à-dire, en patois des Marolles, du Marché aux poissons...
Retilt, Madame la Marquise m'évoque ainsi notre Marcel national, ses casseroles de coquilles de moules et ses assiettes de coquilles d’œufs (les premières étant picorées par les poules pour solidifier les secondes). Libre association qui me conduit à coller sous le plateau tournant supportant Églantine douze coquilles d’œufs bio comme autant de moteurs à réaction propres à la faire valser.
Ne peut alors que me venir la zinne d’anoblir ma Marquise du Vismet en Vicomtesse des Édens... étant convaincu qu'il n'est paradis plus nostalgique pour un mollusque, un gallinacé ou un primate que la grossière enveloppe qui a enrobé sa délicate genèse et nacré son épanouissement. Constat dont la logique m'accule à intégrer dans mon œuvre une autre conque, la plus sublime... en approfondissant, sous la jupe ouatée d'Ernestine, une cavité sphérique, en la tapissant des délicates barbes et barbules d'une plume d'autruche couleur d'azur puis en auréolant son orifice de poudre d'or .... car comment pourrait-elle, avec ses yeux bleus, ne pas être une vraie blonde ?
Cependant, nouvelle contrainte, pour que d'aucuns suspectent l'excellence caucasoïde de Léopoldine, je n'ai d'autre alternative que de surélever le plateau la soutenant pour qu'elle lévite, telle une martienne en sa soucoupe volante, dans la brume de leur imaginaire c'est-à-dire, pragmatiquement, en lui greffant trois pointes de Paris!
J'en entends une qui me rappelle que la rose du Petit Prince avait quatre épines pour effrayer les tigres. Si ma Très Chère n'en a que trois, est-ce ce parce que, doit-elle le rappeler, je suis un incurable obsédé ... *** ???
"Assez sur ce sujet" murmure Franz à Léontine: "Passer de l'autre côté du miroir est une autre manière de s'égarer au paradis. Surtout quand le miroir est triangulaire, que son envers est tapissé de velours rouge et que du sang bleu en goutte ..." qui, mieux que la rosée, a imprégné les frous-frous dentellés de la robe de Tartine!
Tout ça pour ça:
- Une Oeuvre quasi parfaite donc!
- Hélas non, un gros défaut la dépare...
-Vous exagérez encore. Qu'est ce qui manque à votre belle ?
- Elle ne sent pas la marée... comme le souhaitait le Roi Soleil!
- ???
Encore N°1: Ce billet doux était (presque) terminé le matin de la Fête de l'Assomption, terme qui souligne par son étymologie, selon le père Laurent de Villeroché, le fait divin que "Marie ne s’élève pas toute seule vers le ciel, que c’est Dieu qui fait le choix de l’assumer, corps et âme, en la réunissant à son Fils sans attendre la résurrection finale, tant elle a su s’unir, corps et âme, à Lui dès sa vie terrestre". C'est cette nuit aussi que m'est venue l'idée de "lévitation en soucoupe volante".
Encore N°2: Et c'est la veille au soir que je suis "tombé" sur la citation reproduite dans son "en-tête".
Encore N°3: Je l'avais d'abord sous-titré : "Comment j'ai enfanté la Vicomtesse des Édens..." puis me suis rappelé l'expression portugaise "Da luz", "Donner la lumière", équivalent de l'expression française "Donner le jour" , la trouve trop belle et soulignant surtout le fait que j'ignorais, jusqu'il y a 3 jours, ce qui s'écrirait sous mes doigts pianotant ma tablette, ce qui illuminerait son écran noir, ce dont je serais le premier lecteur. Il n’empêche: pour un homme, enfanter autre chose que des bulles: quel rêve!
Confidence: Sachant que rien ne vous a obligé.e de poursuivre votre lecture jusqu'ici, je me dois dès lors d'encore vous faire un aveu, aveu qui m'est aussi pénible à formuler qu'il risque de vous choquer. A bon entendeur... voici LE LIEN qui permet de me découvrir... un petit peu.
*** : les pointes des deux seins et du clytoris?