Un Rêve dans le dos (d'un martyr?)

De Paul Gonze
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La Girouette de saint Lambert.jpg
La Girouette de saint Lambert.jpg

Le 17 septembre de l’an de grâce sept cent et des poussières, Lambert, évêque de Tongres, en prière dans sa résidence de campagne, est tué d’un coup de lance dans le dos. Ses assassins sont à la solde d’Alpaïde à qui le Prélat a reproché sa liaison adultérine avec le Roi Pépin. Châtiés par Dieu, ils agonisent peu après dans d’indicibles souffrances.

Sur les lieux du martyre, d’autres miracles se multiplient. Une basilique s’y élève bientôt, abritant les reliques du thaumaturge et un baptistère là où le sang avait coulé. Ainsi naquit, sous la protection de St Lambert et des Princes  Évêques, l'ardente cité de Liège, renommée pour ses grâces plénières, ses armes meurtrières et ses dames plus qu'hospitalières.

Mais la divine protection est vite ressentie par le peuple comme une  écrasante dictature, l’acculant à maintes révoltes pour sa liberté et, à la révolution française, au pillage puis à la destruction de l'orgueilleux sanctuaire.

Aujourd’hui, sur les ruines du temple arasé, au-dessus du puits de l’ancien baptistère, ne lévite plus qu’un fantôme tournant quotidiennement, métaphysique girouette, le dos au soleil. Agenouillé en prière, il est enveloppé d’une bure austère et verdâtre. Sa doublure, chamarrée d’or, rougeoie comme l’enfer: elle siérait mieux à de papales courtisanes. Une lance crève le haut du manteau. Dans l’axe de sa pointe, une tâche de lumière rubis sang de pigeon émise par un laser cercle inlassablement la margelle du puits au rythme du St Patron veillant sa cité. L’autre extrémité du manche d’airain se recourbe en crosse épiscopale, spirale mystique richement ouvragée et enchâssée d’une LED l'irradiant d’un bleu céleste.

Mise en situation de Saint Lambert.jpg
Mise en situation de Saint Lambert.jpg

« Un Peu de Rêve Pour un Martyr » a été développé avec Patrick Philippe et Xavier Rijs dans le cadre de deux appels à projets organisés en 1995 par la Ville de Liège et relatifs à l’installation d’une fontaine Place Saint-Lambert et à la décoration du puits d’aération de ses parkings souterrains. De telles irrégularités ont entaché la désignation des lauréats du premier concours que l’asbl TOUT avec une vingtaine d’artistes entama une action en justice devant le Conseil d’État. En conséquence, les organisateurs du concours déclassèrent le projet du "Rêve dans le Dos..." soumis par TOUT pour le second concours bien qu'il ait été présélectionné par le jury.

            Lors de l’exposition des diverses propositions dans l’église St-André, la Dame des Rêves de TOUT a donc invité les responsables politiques à se laver les mains au savon de Marseille (ville moins mafieuse que Liège) et à l’eau de la Légia (affluent de la Meuse si pollué qu'il lui est interdit de couler à l'air libre) puis à se les torchonner style Ponce-Pilate avec le règlement du concours (imprimé sur papier-bible faute de papier-cul). L’architecte présidant le concours réagit en hurlant que la Dame des Rêves de TOUT avait mis sa tête dans un puits et qu’elle pouvait être sûre qu'elle ne l’en ressortirait jamais. Il ajouta que, "si cela continue, il n’y aura plus de concours publics!". Reste à savoir quelle est leur justification s’ils sont systématiquement falsifiés ?

           Toujours est-il qu'aujourd’hui, rien n’embellit l’orifice d’aération des parkings même si, après plus de dix ans, l’action en justice s'est clôturée par la condamnation devant le Conseil d’État (dont il faut apprécier la diligence ;-) de la cité principautaire mais sans effet concret, pour cause de péremption ;-(

             Qui sait cependant si ce jugement ne fera pas jurisprudence dans le cadre de quelques futurs concours?

Le fantôme de Saint Lambert Xavier Rijs.jpg
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soif d'autres délires oniriques ?

 

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