« DÉRIVES SUR- ou SOUS-RÉALISTES » : différence entre les versions

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<p style="text-align: right">''Je souhaite être enterré avec mes lunettes.''</p> <p style="text-align: right"><sup>Marcel Marïen</sup></p> <p style="text-align: justify">En juin 1937, un adolescent de 17 ans quitte Anvers et ses parents qu'il juge trop petits bourgeois pour rechercher à Bruxelles une famille d'adoption réunissant trois camarades affirmant, par le biais de l'art, "transformer le monde, changer la vie!". Le jeune homme s'appelle Marcel Marïen, ses parrains Renée Magritte, Paul Nougé et Louis Scutenaire.</p> <p style="text-align: justify">L'humour et la créativité du jeunot enthousiasment ses ainés, surtout lorsqu'il leur présente sa première œuvre: une paire de lunettes dépareillée,un monocle supporté par un couple de branches. Enthousiasme tel que René Magritte baptise (papalement?) ce ready-made "L"Introuvable": appellation considérée aussi originale que l’œuvre est géniale.</p> <p style="text-align: justify">Mais était-elle vraiment géniale la dite appellation? Ou aussi banale que de baptiser sa fille Brigitte après avoir vu "Et Dieu créa la Femme"? Oui mais non pour les cinéphiles se rappellant que <span class="ILfuVd"><span class="hgKElc">Woodbridge Strong</span></span> Van Dyke s'inspira d'un polar de Dashiel Hammet pour produire un des films culte de cette époque bénie où le septième art était porté au septième ciel.</p> <p style="text-align: justify">Et l'objet lui-même, était-il vraiment original? Ou plagie-t-il, comme le suggère une recherche méticuleuse sur Internet, un des troublants ready-made de Meret Oppenheim, photographié un an plus tôt par son amant et qui a mystérieusement disparu? Qui s'en étonnerait, connaissant le talent de notre futur faussaire et son mépris iconoclaste des droits artistiques? Qui surtout accorderait crédit à au mythe selon lequel c'est en cassant ses lunettes qu'il en aurait eu l'aveugle inspiration?</p>
<p style="text-align: right">''Je souhaite être enterré avec mes lunettes.''</p> <p style="text-align: right"><sup>Marcel Marïen</sup></p> <p style="text-align: justify">En juin 1937, un adolescent de 17 ans quitte Anvers et ses parents qu'il juge trop petits bourgeois pour rechercher à Bruxelles une famille d'adoption réunissant trois camarades affirmant, par le biais de l'art, "transformer le monde, changer la vie!". Le jeune homme s'appelle Marcel Marïen, ses parrains Renée Magritte, Paul Nougé et Louis Scutenaire.</p> <p style="text-align: justify">L'humour et la créativité du jeunot enthousiasment ses ainés, surtout lorsqu'il leur présente sa première œuvre: une paire de lunettes dépareillée, un monocle supporté par un couple de branches. Enthousiasme tel que René Magritte baptise (papalement?) ce ready-made "L"Introuvable": appellation jugée aussi originale que l’œuvre est géniale.</p> <p style="text-align: justify">Mais était-elle vraiment géniale la dite appellation? Ou aussi banale que de baptiser sa fille Brigitte après avoir vu "Et Dieu créa la Femme"? Oui mais non pour les cinéphiles se rappellant que <span class="ILfuVd"><span class="hgKElc">Woodbridge Strong</span></span> Van Dyke s'inspira d'un polar de Dashiel Hammet pour produire un des films culte de cette époque bénie où le septième art était porté au septième ciel.</p> <p style="text-align: justify">Et l'objet lui-même, était-il vraiment original? Ou plagie-t-il, comme le suggère une recherche méticuleuse sur Internet, un des troublants ready-made de Meret Oppenheim, photographié un an plus tôt par son amant et qui a mystérieusement disparu? Qui s'en étonnerait, connaissant le talent de notre futur faussaire et son mépris iconoclaste des conventions artistiques et autres formes de propriété artistique? Qui surtout accorderait crédit au mythe selon lequel c'est en cassant ses lunettes qu'il en aurait eu l'aveugle inspiration?</p>
[[File:Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg|center|1000x400px|Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg]]
[[File:Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg|center|1000x400px|Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg]]
<p style="text-align: justify">La méprise semble incroyable car Magritte et Nougé, certes assez bons et braves belges que pour ne pas calquer les excentricités de la scène artistique parisienne, n'aurait pas manquer de signaler à leur filleul que son artefact n'était qu'un remake.</p> <p style="text-align: justify">Il est encore plus incroyable que Jacques Cannone, aussi grand connaisseur des travaux photographiques de Man Ray que thuriféraire de Marcel Marïen, n'en ai jamais parlé, qu'il ait même osé choisir, comme couverture de l'ouvrage qu'il a consacré au Surréalisme en Belgique, ce qui risquerait de s’avérer n'être que le succédané d'une production franco-américaine!</p> <p style="text-align: justify">La suite de l'histoire néanmoins reste digne du suspense des film et roman éponymes. En effet, la lunette orpheline de MM aurait été égarée pendant la guerre, tout comme a disparu celle de Meret Oppenheim. Ce qui pousse Marcel a reproduire l'objet perdu en 1945 et à l'exposer dans le cadre de l'exposition "Surréalisme" organisée par la galerie des Éditions de la Boétie, qui le rpomotionne en couverture du catalogue...&nbsp; puis - bis repetita placet - à le perdre derechef.</p>

La méprise semble incroyable car Magritte et Nougé, certes assez bons et braves belges que pour ne pas calquer les excentricités de la scène artistique parisienne, n'aurait pas manquer de signaler à leur filleul que son artefact n'etait qu'un remake.

Il est encore plus incroyable que Jacques Cannone, aussi grand connaisseur des travaux photographiques de Man Ray que thuriféraire de Marcel Marïen, n'en ai jamais parlé, qu'il ait même osé choisir, comme couverture de l'ouvrage qu'il a consacré au Surréalisme en Belgique, ce qui risquerait de s’avérer n'être que le succédané d'une production franco-américaine!

La suite de l'histoire néanmoins reste digne du suspense du film et du roman éponymes. En effet, la lunette orpheline de MM aurait été égarée pendant la guerre, tout comme a disparu celle de Meret Oppenheim. Ce qui pousse Marcel a reproduire l'objet perdu en 1945 et à l'exposer dans le cadre de l'exposition "Surréalisme" organisée par la galerie des Éditions de la Boétie, qui la reproduite en couverture du catalogue...&nbsp; puis - bis repetita placet - à la perdre derechef.

[[File:Affiche La Boétie.jpg|center|400x600px|Affiche La Boétie.jpg]]
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Ce ne sera que plus de 20 ans, en 1967, qu'il réalise une troisième réplique de son exploit juvénile, l'enchâssant comme une relique sur un socle recouvert de velours rouge et protégé par un boitier de plexiglas. Signant sa "nouvelle" création sous la base, il la date de "1937 {1967}" et la cède, à prix d'amis (2.000 FB) au sculpteur Marcel Arnould et son épouse, la peintre Renée Demeester, ma tante.
Ce ne sera que plus de 20 ans après, en 1967, qu'il finalise une troisième réplique de son exploit juvénile, l'enchâssant comme une relique sur un socle recouvert de velours rouge et protégé par un boitier de plexiglas. Signant sa "nouvelle" création sous la base, la datant de "1937 {1967}", il la cède, à prix d'amis (2.000 FB) au sculpteur Marcel Arnould et son épouse, la peintre Renée Demeester, ma tante qui m'en fera plus tard cadeau.


Il apprécie l'exprit libertaire de ce couple qui, seul, à oser exposer, en vitrine d'une bouquinerie rue de l'homme chrétien, l'affiche censurée des Lèvres Nues. Se rencontrant régulièrement, ils visitent notamment ensemble Paris où MM photographie, dans le cimetière du Père Lachaise, Renée relevant sa jupe au-dessus des mânes de Charles Baudelaire. Témoignage révélateur des sentiments qu'il éprouvait pour "la Belle Madame Arnould" et qui l'a poussé à lui offrir, peu après, un autre de ses chef-d'œuvres de jeunesse: "La Traversée du Rêve".
Marïen apprécie l'exprit libertaire de ce couple qui, seul, à oser exposer, en vitrine de sa bouquinerie rue de l'homme chrétien, l'affiche censurée des Lèvres Nues. Se rencontrant régulièrement, ils visitent notamment ensemble Paris où MM photographie, dans le cimetière du Père Lachaise, Renée relevant sa jupe au-dessus des mânes de l'auteur des "Fleurs du Mal": témoignage révélateur des sentiments qu'il éprouvait pour "la Belle Madame Arnould" et qui l'a poussé à lui offrir, peu après, un autre de ses chef-d'œuvres de jeunesse: "La Traversée du Rêve".


Mais on sait que Marcel n'hésitait pas à multiplier ses coups de coeur ni à dupliquer ses coups de tête: donc à réaliser une quatrième réplique de l'Introuvable qui, exposée dans la galerie d'Isy Brachot, sera achetée par le diamantaire et collectionneur anversois Sylvio Perlstein.
Mais on sait que Marcel n'hésitait pas à multiplier ses coups de coeur ni à dupliquer ses coups de tête: donc à réaliser une quatrième réplique de l'Introuvable qui, exposée dans la galerie d'Isy Brachot, sera achetée par le diamantaire et collectionneur anversois Sylvio Perlstein.
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L'ami Marcel aurait certainement apprécié. Peut-être même se retourne-t-il dans sa tombe pour, étendu sur le ventre, rêver de celles qui seront habilées de ces mots
L'ami Marcel aurait certainement apprécié. Peut-être même se retourne-t-il dans sa tombe pour, étendu sur le ventre, rêver de celles qui seront habilées de ces mots


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[[File:Muette et Dior.jpg|center|800x560px|Muette et Dior.jpg]]


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Version du 23 septembre 2020 à 09:23

Je souhaite être enterré avec mes lunettes.

Marcel Marïen

En juin 1937, un adolescent de 17 ans quitte Anvers et ses parents qu'il juge trop petits bourgeois pour rechercher à Bruxelles une famille d'adoption réunissant trois camarades affirmant, par le biais de l'art, "transformer le monde, changer la vie!". Le jeune homme s'appelle Marcel Marïen, ses parrains Renée Magritte, Paul Nougé et Louis Scutenaire.

L'humour et la créativité du jeunot enthousiasment ses ainés, surtout lorsqu'il leur présente sa première œuvre: une paire de lunettes dépareillée, un monocle supporté par un couple de branches. Enthousiasme tel que René Magritte baptise (papalement?) ce ready-made "L"Introuvable": appellation jugée aussi originale que l’œuvre est géniale.

Mais était-elle vraiment géniale la dite appellation? Ou aussi banale que de baptiser sa fille Brigitte après avoir vu "Et Dieu créa la Femme"? Oui mais non pour les cinéphiles se rappellant que Woodbridge Strong Van Dyke s'inspira d'un polar de Dashiel Hammet pour produire un des films culte de cette époque bénie où le septième art était porté au septième ciel.

Et l'objet lui-même, était-il vraiment original? Ou plagie-t-il, comme le suggère une recherche méticuleuse sur Internet, un des troublants ready-made de Meret Oppenheim, photographié un an plus tôt par son amant et qui a mystérieusement disparu? Qui s'en étonnerait, connaissant le talent de notre futur faussaire et son mépris iconoclaste des conventions artistiques et autres formes de propriété artistique? Qui surtout accorderait crédit au mythe selon lequel c'est en cassant ses lunettes qu'il en aurait eu l'aveugle inspiration?

Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg
Eyeglass de Merett Oppenheim 02.jpg

La méprise semble incroyable car Magritte et Nougé, certes assez bons et braves belges que pour ne pas calquer les excentricités de la scène artistique parisienne, n'aurait pas manquer de signaler à leur filleul que son artefact n'était qu'un remake.

Il est encore plus incroyable que Jacques Cannone, aussi grand connaisseur des travaux photographiques de Man Ray que thuriféraire de Marcel Marïen, n'en ai jamais parlé, qu'il ait même osé choisir, comme couverture de l'ouvrage qu'il a consacré au Surréalisme en Belgique, ce qui risquerait de s’avérer n'être que le succédané d'une production franco-américaine!

La suite de l'histoire néanmoins reste digne du suspense des film et roman éponymes. En effet, la lunette orpheline de MM aurait été égarée pendant la guerre, tout comme a disparu celle de Meret Oppenheim. Ce qui pousse Marcel a reproduire l'objet perdu en 1945 et à l'exposer dans le cadre de l'exposition "Surréalisme" organisée par la galerie des Éditions de la Boétie, qui le rpomotionne en couverture du catalogue...  puis - bis repetita placet - à le perdre derechef.

Affiche La Boétie.jpg
Affiche La Boétie.jpg

Ce ne sera que plus de 20 ans après, en 1967, qu'il finalise une troisième réplique de son exploit juvénile, l'enchâssant comme une relique sur un socle recouvert de velours rouge et protégé par un boitier de plexiglas. Signant sa "nouvelle" création sous la base, la datant de "1937 {1967}", il la cède, à prix d'amis (2.000 FB) au sculpteur Marcel Arnould et son épouse, la peintre Renée Demeester, ma tante qui m'en fera plus tard cadeau.

Marïen apprécie l'exprit libertaire de ce couple qui, seul, à oser exposer, en vitrine de sa bouquinerie rue de l'homme chrétien, l'affiche censurée des Lèvres Nues. Se rencontrant régulièrement, ils visitent notamment ensemble Paris où MM photographie, dans le cimetière du Père Lachaise, Renée relevant sa jupe au-dessus des mânes de l'auteur des "Fleurs du Mal": témoignage révélateur des sentiments qu'il éprouvait pour "la Belle Madame Arnould" et qui l'a poussé à lui offrir, peu après, un autre de ses chef-d'œuvres de jeunesse: "La Traversée du Rêve".

Mais on sait que Marcel n'hésitait pas à multiplier ses coups de coeur ni à dupliquer ses coups de tête: donc à réaliser une quatrième réplique de l'Introuvable qui, exposée dans la galerie d'Isy Brachot, sera achetée par le diamantaire et collectionneur anversois Sylvio Perlstein.

L'objet sera ensuite reproduit un nombre incalculable de fois en deux dimensions, en noir et blanc ou en couleurs, dans diverses éditions plus ou moins confidentielles. On le retrouve notamment en 1993, dans le catalogue du Crédit Communal publié à l'occasion de la rétrospective organisée suite au décès de celui dont le testament n'est qu'un galet puis en couverure, emblématique, du catalogue sur "Le Surréalisme en Belgique".

Il se démultiplera même en trois dimensions, presque aussi bien que les petits pains de Notre Seigneur". En janvier 2014, au lendemain de l'exposition du BAM (où étaient exposés côte à cote l'introuvable que j'avais prêté et son doublon emprunté au collectionneur anversois)", j'ai en effet découvert dans la vitrine de la Galerie bruxelloise "The Corner" '(aujourd'hui disparue?) une des 20 nouvelles moutures (numérotées de 1/20 à 20/20?) mises en vente à l'intiative de quelques ayant-droits sur le thème "Du Vinaigre à l'Enclume". Elles se distinguaient encore de l'original du millénaire précédent par la gravure en blanc et en police Arial sur le bord intérieur noir de la branche gauche de la mention "Marien 1937". Certains s'en étonneront qui ont remarqué que Mairen signait toutes ses oeuvres en calligraphiant leur titre et parfois leur date d conception de son écriture d'écolier.

 

Multiples qui s'avèrent aujourd'hui tout aussi introuvables  que leur aieul.

L'ami Marcel aurait certainement apprécié. Peut-être même se retourne-t-il dans sa tombe pour, étendu sur le ventre, rêver de celles qui seront habilées de ces mots

Muette et Dior.jpg
Muette et Dior.jpg

 

Ayant reçu cet objet (et d'autres) de ma tante, j'ai eu Dans ces diverses occurrences, l'Introuvable est photographié sans son socle et simplement daté de 1937.

Gouache "One eyed de 1933 (27 x 17,5)