Canard à l'orange
Avant que ne s'ouvrent les portes de la nuit,
il arrive que le ciel vire à l'orange sanguine.
Tandis qu'Elle vous surveille, bouchée bée, quasiment estomaquée, dégustez tranquillement votre canard à l'orange comme je le faisais la nuit de Noël, quand j'étais encore un sale môme (vous aussi?).
Comment? Élémentaire, mon cher Albert :
- Pratiquez au sommet d'une grosse orange bien ronde et idéalement sanguine une entaille de 2 à 3 centimètres de longueur;
- Charcutez-en l'intérieur avec votre couteau de manière à entailler la peau interne de tous les quartiers tout en veillant à ne pas blesser la pelure externe et ne pas trop élargir la fente supérieure;
- Forcez, entre les lèvres qui baillent à peine mais brillent déjà, un morceau parallélipipèdique de sucre de Tirlemont et enfournez-le jusqu'au coeur;
- Pressez votre bouche contre la bouche de votre agrume pour extraire soigneusement, voluptueusement comme du sein maternel, jusqu'à la dernière goutte de son jus acide adouci au suc de glucose;
- Poussez même votre langue au plus profond de la plaie pour, les yeux fermés, la promener lentement en rêvant qu'elle se perd entre les pétales d'une rose Pompadour, qu'elle s'égare sous les jupons bariolés d'une gitane, qu'elle plonge dans une piscine de confitures de framboises...;
- Déchirant enfin votre orange en ses deux moitiés, écrasez votre muffle entre les quartiers écrabouillés;
- Essuyez tout votre visage et vos mains collantes et bariolées sur votre pantalon de smoking si vous en portez un, ou au mitan de sa robe longue si Elle en porte une, ou ailleurs encore;
- A moins que, débordant de jalousie, Elle s'impatiente à vous faire gôuter un autre fruit...
Justification: un canard, c'est aussi, - l'auriez vous oublié? - le morceau de sucre blanc que l'on imbibe de café noir et à la saveur de madeleine proustienne.
Commentaire: c'est vrai qu'il y a d'autres recettes de canard à l'orange, mais ce n'est pas ici le lieu de se soucier du strabisme des chasseurs d'éléphants ... Parfumez plutôt leur derrière en le piquant de clous de girofle!
Mais pourquoi à Noêl: parce que c'était la période idéale pour recevoir de sa maitrese, duchesse ou comtesse, en provenance de son orangeraie, la plus belle des boules de Noël.