Deux petites baites qui montent, qui montent, qui montent

              

                                                                                                                                       _{En pieux hommage}

                                                                                                                                       ^{à Celle pour qui je mettrai}

                                                                                                                                       ^{au bout de chacune de mes phrases}

                                                                                                                                                                                       ^{trois points.}

Blanc, tout est blanc jusqu'au plus haut des cieux où des anges se font plumer pour cacher sous d'immaculés flocons de neige une impénétrable et noire sapinière. Sapinière noire au cœur ténébreux de laquelle un chasseur solitaire, emmitouflé dans une lourde pelisse de loup-garou, étreint une pétoire d'un autre millénaire. Mais ce braconnier, embusqué dans la froideur de l'aube, doit somnoler qui ne lève même pas son engin au passage de lièvres, daims, sangliers... et même d'un vénérable cerf: quel sot d'ainsi laisser passer sa chance d'orner le fronton de sa chaumière d'un aussi orgueilleux vingt-deux cors! Ou romantise-t-il au point de ne vouloir tirer que biches, gardant de la savoureuse tendresse de leurs cuisses veloutées une inassouvissable nostalgie? Car, dusse-t-il attendre jusqu'au retour du printemps et de ses perce-neiges, il est évident qu'il n'est à l'affût que pour ce gibier, plus immobile qu'un bloc de glace. Qui soudain tressaille: là bas, la neige croule en poudreuse de la cime des conifères qu'aucun vent pourtant n'agite; là-bas, les taillis se réveillent sous leur couverture de frimas; là-bas, une naïve victime promet une joie féroce à son assassin étranglant la crosse de son arme à s'en bleuir les mains... pour la laisser tomber: au lieu de la biche tant attendue, c'est un couple de quadrupèdes d'une espèce que l'académie des sciences (à l'exception du zoologiste Fred) considère comme éteinte: deux élé-gants, de la race des manu-manu, variété dite de "cité ardente", au pelage ocellé de léopard. Et qui, sur le tapis blanc de la clairière, se baisent, rébaisent et le baisent avec autant d'innocente provocation que de grâce savante. Notre Nemrod, halluciné par la pulsion de capturer ces créatures de rêve vivantes, se précipite vers les jouvencelles qui, se jouant de la menace, poursuivent leur batifolage et, chaque fois que leur poursuivant tente de se saisir d’elles, bondissent à gauche et à droite du vilain qui s'écrase dans une gadoue brunâtre de neige fondante. Pauvre imbécile qui se redresse et repars, haletant dans leur sillage sans se douter qu'il se perd dans l'illusion de les retrouver, jetant son bonnet de martre, se débarrassant de son manteau, se dégageant de ses bottes, arrachant sa blouse, déchirant son pantalon, pour s'exténuer derrière ces chimères qui maintenant l’ont piégé dans l'étouffante moiteur d'une jungle équatoriale... dont j'émerge, tout nu et ruisselant de sueur. Le torse scarifié du sigle ésotérique de la divinité: un triangle noir sur sa pointe fendue, frappé à contre-sens de trois points écarlates. Et complètement désemparé car ma paire de belles aussi s'est dénudée dans la lumière aveuglante d'une plage méditerranéenne pour s'accoupler, là où le soleil flamboie, en ce superbe oiseau de paradis emplumé de rose et d'orange aux ailes plus gracieuses que mains, doigts et ongles de danseuse balinaise. Archange qui plane et tournoie pour soudain piquer dans les bleutés ultramarines. Espère-t-il embrocher au bout du bec de ses pouces quelque sirène dodue pour en nourrir ses oisillons ou a-t-il lui-même été gobé par la méduse? Car, à mon étonnement, aucun aigle des mers ne refait surface là où maintenant émerge un récif éclaboussé par la marée montante. Impénitent curieux, je nage vers ce qui apparait être un monumental fragment de marbre grec, mieux, la tête d'une Aphrodite millénaire au sourire ourlé par l'écume des vagues. Sourire qui s'élargit, s'épanouit, s'illumine, résumant en lui toute la beauté du visage se révélant être un fabuleux cyprea ocellata à l'échancrure nacrée. Je plonge vers les lèvres de ce fruit de mer qui fera merveille dans mon cabinet de curiosités et réalise qu'une fois encore je dois être dupe, l'objet de ma cupidité n’ayant pas le poli d'une porcelaine mais le soyeux d'un monokini de vacancière heureusement convertie au nudisme. Ou, plus exactement, la culotte d'une érotomane à la fente festonnée de dentelles rouges et noires. Erreur encore qui aurait pu m'être fatale si je n'avais eu le réflexe de retirer mes doigts,rétracter mes mains, replier mes bras devant les babines, dents, gueule d'une goule affamée. Que je fuis en rampant comme serpent des mers, couleuvre de ruisseau, vermisseau de marécages: Morsure! Qui me réveille, caparaçonnant de mes mains jointes le gland de ma verge plus raide qu'un bâton de pèlerin en partance pour le sanctuaire de la Vierge... morfondu d'avoir eu si déraisonnable peur alors que, c'est évident, mon cauchemar violacé ne pouvait que virer au rêve rose quand des mains amies, entrouvrant le voluptueux calice d’une capucine épanouie, m’en révèleraient la mielleuse profondeur: l'impasse du Paradis?