Deux petites baites qui montent, qui montent, qui montent

De Paul Gonze
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Blanc, tout est blanc jusqu'au plus haut des cieux où des anges se font plumer pour cacher sous d'immaculés flocons de neige une immense et noire sapinière. Sapinière noire au plus profond de laquelle un chasseur solitaire, emmitouflé dans une lourde pelisse de louve, étreint une pétoire d'un autre millénaire. Mais ce braconnier, embusqué dans la froideur de l'aube, doit somnoler qui ne lève même pas son engin au passage de lièvres, daims, sangliers... et même d'un vénérable cerf: quel sot d'ainsi laisser passer sa chance d'orner le fronton de sa chaumière d'un si orgueilleux vingt-deux cors! Ou romantise-t-il au point de ne vouloir tirer que biches, gardant de la tendresse veloutée de leurs cuisses une inassouvissable nostalgie? Dusse-t-il attendre jusqu'au retour du printemps et de ses perce-neiges, il est évident cependant qu'il n'est à l'affut que pour ce gibier, plus immobile qu'un bloc de glace. Qui soudain tressaille: là bas, la neige croule en poudreuse de la cime des conifères qu'aucun vent pourtant n'agite; là-bas, les taillis se réveillent sous leur couverture de frimas ; là-bas, une douce victime s’expose à son tueur étranglant la crosse de son arme à s'en bleuir les mains... pour la laisser tomber: au lieu de la biche tant attendue, c'est un couple de quadrupèdes d'une espèce considérée comme éteinte par l'académie de zoologie: deux élé-gants, de la race des manu-manu, variété dite de la cité ardente, au pelage ocellé de léopard. Et qui, sur le tapis blanc de la clairière, se baisent, rébaisent et le baisent avec autant d'innocente provocation que de grâce savante. Notre Nemrod, hébété par le désir de capturer ces créatures de rêve vivantes, se dresse et court derrière les jouvencelles qui, se jouant de la menace, poursuivent leur batifolage et, chaque fois que leur poursuivant croit pouvoir se saisir d’elles, bondissent à gauche et à droite du vilain qui s'écrase dans une gadoue brunâtre de neige fondante. Pauvre imbécile qui se redresse et repars, hagard, dans leur sillage sans se douter qu'il se perd dans l'illusion de les retrouver, jetant son bonnet de fourrure, se débarrassant de son manteau, se dégageant de ses bottes, arrachant sa blouse, déchirant son pantalon, pour s'exténuer derrière ces chimères qui maintenant l’ont piégé dans l'étouffante moiteur d'une jungle équatoriale... dont j'émerge, tout nu et ruisselant de sueur. Le torse scarifié du sigle ésotérique de la divinité: un triangle noir sur sa pointe fendue, frappé à contre-sens de trois points écarlates. Et complètement désemparé car ma paire de belles aussi s'est dénudée dans la lumière aveuglante d'une plage méditerranéenne pour s'accoupler, là où le soleil flamboie, en ce superbe oiseau de paradis emplumé de rose et d'orange aux ailes plus gracieuses que mains, doigts et ongles de danseuse balinaise. Archange qui plane et tournoie pour soudain piquer dans les bleuîtes ultramarines. Espère-t-il saisir dans ses griffes quelque sirène dodue pour en nourrir ses oisillons ou a-t-il lui-même été gobé? Car, à mon étonnement, aucun aigle des mers ne refait surface là où maintenant émerge un récif éclaboussé par la marée descendante . Impénitent curieux, je nage vers ce qui apparait être un monumental fragment de marbre grec, mieux, la tête d'une Aphrodite millénaire au sourire ourlé par l'écume des vagues. Me vantant déjà de cette découverte qui ne pourra que m'apporter gloire et richesse, je comprends trop tard qu'ici encore j'ai été leurré par ce qui doit palpiter au cœur d'un cauris à l'échancrure nacrée. Je plonge vers les lèvres de ce fruit de mer pour en faire la merveille de mon cabinet de curiosités et réalise qu'une fois encore je suis dupe et que l'objet de ma cupidité n’est que le bas d'un bikini d’une vacancière heureusement convertie au nudisme. Ou, plus exactement, la culotte d'une érotomane à la fente festonnée de dentelles rouges et noires. Erreur, fatale erreur car je dois maintenant fuir devant les babines, dents et gueule d'un monstre affamé. Retirant précipitamment mes mains et cachant mes bras au point de ne plus pouvoir que ramper comme serpent des mers, couleuvre de ruisseau, vermisseau de marécages: Morsure… qui me réveille, caparaçonnant de mes paumes le gland de ma verge plus raide qu'un bâton de pèlerin en route vers le sanctuaire de la Vierge, morfondu d'avoir eu si déraisonnable peur alors que, c'est évident, mon cauchemar violacé ne pouvait que virer au rêve rose quand des mains amies, entrouvrant le calice mielleux d’une capucine épanouie, m’en révèleraient les voluptueuses profondeurs: l'impasse du Paradis?