Un billet doux pour un bout de nez

De Paul Gonze
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Pour qu'ils suffoquent dans l'au-delà et ne puissent leur jeter de mauvais sort,

les égyptiens cassaient le nez des pharaons qu'ils avaient détrônes et des notables dont ils pillaient la tombe.

Nez cassés combinés.jpg
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Quand j'avais trois ou quatre ans, mon grand-père s'amusait à pincer mes narines entre son index et son majeur, leur imprimer une légère torsion pour, retirant vivement sa main en glissant son gros pouce là où était mon petit nez, s'écrier "Oh, j'ai arraché ton pif... Mais que tu es laid sans pif... Un vrai petit babouin... Vite, je vais le remettre à sa place" et, avant que je ne fonde en larmes, il me rendait mon nez et mon sourire.

Maintenant grand-père, j'ai rejoué ce rituel avec ma petite fille. Supplice auquel elle voulut aussi me soumettre et qui, certaines odeurs favorisant la résurgence de vieux souvenirs, me rappela la mésaventure d"un artiste "émergent" qui, dans les années soixante entoilait, dans le style comics américains aux coloris psychédéliques, des Apollon, des Beaux Brummel et des Superman volant au secours de Vénus aussi éplorées que dévoilées. Lui-même, il est vrai, était un beau blond aux yeux bleus, particulièrement fier de la finesse de son appendice nasal auquel la gent féminine ne pouvait, pensait-il, que difficilement résister.

Invité à un réveillon de nouvel an traditionnellement bien arrosé, il s'y pavanait comme un coq au milieu de ses poulettes. Un chien aussi était de la fête avec lequel notre Pinocchio, en quête peut-être de plus révolutionnaires manières de prendre son pied, s'était mis à danser puis dont il massa la verge. Ce qu'il fit avec un tel doigté que le cabot, dans l'émoi de l'éjaculation, le remercia en lui mordant et arrachant le nez. D'urgence, l'amputé fut ambulancé à l’hôpital où le médecin de service sutura la plaie du mieux qu'il put, c'est à dire assez mal puisqu'il lui manquait la pièce maitresse... que l'on retrouva, déchet nécrosé et racrapoté parmi les confettis, serpentins et bouchons de champagne, le lendemain de la veille.

Certes le brave ne pouvait prétendre au statut de gueule cassée mais, obsédé en tant qu'homme de l'art et homme à femmes par l'idéale beauté, il n'osa plus s'afficher, devint agoraphobe, s'isola dans des paradis artificiels, passa sous la coupe de dealers qui ravalèrent sa production artistique au niveau de chromos pour Petite rue des Bouchers, l'acculèrent à la ruine pour s'exiler ... là où nous nous retrouverons tous, beaux crânes sans nez respirant peu ou prou une odeur de sainteté

  

Question : Est-ce dans la même pieuse intention que les chrétiens brisaient la verge des Dionysos ithyphalliques?

Remarque : Au cours de mes recherches sur Internet qui me permirent d'illustrer cette historiette, je suis tombé sur la "fake news" d'un auteur affirmant que les conservateurs du Louvre, du British Museum, du Neues Museum, du Cinquantenaire, de l'Ermitage, ...  avaient sciemment cassé les nez des pharaons et sphinx égyptiens pour, en bons racistes, occulter leur ascendance africaine. Comment en effet confondre l'épaté d’un noir avec l'aquilin d’un blanc?

Suggestion post-mortem: Si les petites amies de celui qui hante peut-être, parfois, encore, leurs rêves roses, avaient cotisé pour lui offrir un nez de cuir ou consacrer à Saint.e (I)René.e un ex-voto de circonstance, l'histoire de l'art belge aurait pu être autrement parfumée puisque, comme le rappelle toujours Blaise Pascal, "si le nez de Cléopâtre eut été plus court, toute la face du monde aurait ... été malmenée: poil au nez".

 

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Celui-ci a été mis en ligne le dimanche 6 octobre sans autre raison que le plaisir de vous offrir...

mieux qu'un pied de nez?