Un Rêve dans le dos (d'un martyr?)
Le 17 septembre de l’an de grâce sept cent et..., Lambert, évêque de Tongres, en prière dans sa résidence de campagne, est tué d’un coup de lance dans le dos. Ses assassins sont à la solde d’Alpaïde à qui le Prélat a reproché sa liaison adultérine avec le Roi Pépin. Châtiés par Dieu, ils agonisent peu après dans d’atroces souffrances.
Sur les lieux du martyre, d’autres miracles se multiplient. Une basilique s’y élève bientôt, abritant les reliques du thaumaturge et un baptistère là où le sang avait coulé. Ainsi naquit, sous la protection de St Lambert et des Princes Evêques, l'ardente cité de Liège, renommée pour la qualité de ses armes, de ses dames et de ses grâces ainsi que de leur commerce.
Mais la divine protection est vite ressentie par le peuple comme une écrasante domination, l’acculant à maintes révoltes pour sa liberté et, à la révolution française, au pillage puis à la destruction de l'orgueilleux sanctuaire.
Aujourd’hui, sur les ruines du temple arasé, au-dessus du puits de l’ancien baptistère, ne lévite plus qu’un fantôme tournant quotidiennement, métaphysique girouette, le dos au soleil. Agenouillé en prière, il est enveloppé d’une bure austère et verdâtre. Sa doublure, chamarrée d’or, rougeoie comme l’enfer: elle siérait mieux à de papales courtisanes. Une lance crève le haut du manteau. Dans l’axe de sa pointe, une tâche de lumière rouge : rubis sang de pigeon qui cercle inlassablement la margelle du puits au rythme du St Patron veillant sa cité. L’autre extrémité du manche d’airain se recourbe en crosse épiscopale, spirale mystique richement ouvragée et enchâssée d’un saphir irradiant d’un bleu céleste.
Tout cela favorisera-t-il la rédemption de quelques valeureux liégeois ?